Une nuit de bateau nous a fait changer de monde. La végétation luxuriante du continent mexicain a laissé place à la sécheresse rocailleuse de la péninsule désertique de Basse-Californie. Après quelques jours dans la casa de ciclista de La Paz, nous nous élançons pour une longue route de 1500km jusqu’à la frontière des USA. Cette longue langue de terre nous permet enfin d’apercevoir le cliché mexicain tel que nous nous l’imaginions: désert, cactus, Mexicains moustachus à chapeau de cow-boy chevauchant dans la poussière. Les points d’eau et de nourriture sont assez rares, mais suffisants pour ne pas devoir transporter trop de vivres.
La drôle de maladie d'Alexi
Durant notre 3ème jour de vélo, Alexi se plaint soudainement d’une fatigue intense puis de douleurs dans tout le corps. Nous sommes forcés de nous arrêter à plusieurs reprises avant de trouver un petit restaurant de fruits de mer ou Alexi s’endort à même le béton. Un pick-up nous amène à prochaine ville (10km) ou nous décidons de nous payer la chambre la plus crado afin qu’il puisse se reposer. Après une longue nuit, son état empire: fièvre, douleurs, impossibilité de rester réveillé plus de deux minutes. Notre hôte de la veille nous aide de loin et fait venir son ami médecin dans notre chambre. Ce dernier finit par nous inviter chez lui, affirmant que l’hôtel est bien trop sale et puant pour pouvoir s’y soigner. Quelle chance ! Nous nous retrouvons dans une coloc de jeunes médecins. Prise de sang à domicile, rendu des analyse et ordonnance aussi. Et tout cela aux frais de la princesse, la magnifique générosité des Mexicains reste inchangée. Une cure d’antibiotiques permet à Alexi de se remettre et nous repartons de plus belle.
La Baja 1000
Les journées sont courtes, nous décidons de nous lever tous les matins une heure avant le lever du jour. Nous profitons ainsi des somptueuses lumières du soleil qui illumine de ses douces couleurs les roches et cactus du désert. Malheureusement, le trafic est dense, des dizaines, des centaines de pick-up parcourent la Basse-Californie à cause d’une course de voiture parcourant 1000 miles de pistes du Nord au Sud. Pour chaque véhicule participant, 5 à 6 pick-up dévalent la route goudronnée pour transporter l’essence, les pièces de rechange, etc. Nous vous laissons imaginer la vitesse à laquelle ces bolides nous frôlent, sur une route où il n’y a absolument pas un centimètre d’accotement.
Un jour, nous pédalons dans ce trafic intense sur une longue route droite. Soudain, nous apercevons au loin un groupe de 8 cyclistes en sens inverse suivis d’une voiture “de protection”. Au même instant, un gros camion élancé a toute vitesse se fait entendre a 300m derrière nous. Anysia est aux commandes. Elle se décale au milieu de notre voie afin de clairement montrer au camion qu’il n’y a pas la place et ainsi le forcer à freiner : une technique ayant fait ses preuves de nombreuses fois. Toutefois, les cyclistes se mettent à faire de grands gestes et crier « There’s a truck!!! » Anysia prend peur, il est trop tard pour se retourner et voir si le camion est devenu fou ! Elle se décale brusquement sur le côté, recouvert d’un méchant gravier qui nous fait chuter sur la route. Ainsi, au sol, à la merci du camion qui ne daigne ni se décaler ni freiner nous sommes immobilisés. Après quelques secondes, nous le sentons passer à toute vitesse en frôlant nos corps endoloris par la chute. Les cyclistes continuent leur chemin sans se soucier de nous. Anysia, sous le choc, pleure un gros coup, ses deux genoux saignent et lui font mal.
Nous sommes au milieu de nulle part et n’avons d’autre choix que de continuer notre chemin. Heureusement, comme toujours lorsqu’on voyage, les coups durs sont suivis de belles surprises. C’est ainsi que nous découvrons une magnifique plage pour passer la soirée, entourés de Californiens et de Français prêts à partager leur eau et leurs vivres pour nous aider. Le lendemain, nous atteignons la « Casa de Pancho Villa » à Mulege, pour nous reposer deux jours et laisser passer le plus gros du flux de voiture remontant aux USA après la Baja 1000.
Onze jours dans le désert
Jour 1: Mulege à Santa Rosalia - 68km - 6h - 553m+
Belle journée de vélo se terminant dans le charmant village hors du temps de Santa Rosalia. Et pour couronner le tableau, nous passons une excellente soirée “entre amis” avec Charly et Nele, un couple belge dormant également à la caserne des pompiers.
Jour 2: Santa Rosalia à San Ignacio - 85km - 7h - 961m+
On commence la journée par une belle et longue montée. Puis, un long faux plat descendant nous amène sur la route d’un cycliste voyageant avec sa planche de surf! Et pour rester dans le thème, nous passons la soirée dans une oasis en compagnie d’un couple adorable d’Australiens. Lui est un aventurier intrépide ayant convaincu sa nouvelle épouse de partir en Lune de Miel à vélo. Alaska-Ushuaia sans matelas dans une mini tente, sans jamais payer une nuit ni prendre un véhicule (même en cas de pépin) ! Toute notre admiration !
Jour 3: San Ignacio à Vizcaíno - 75km - 5h30 - 358m+
Un trajet un peu ennuyant point de vue paysage: pas de plantes, pas de relief. Nous dormons dans une église dont le « padre » est absent, mais nous organise tout de même une douche chaude chez une voisine!
Jour 4: Vizcaino à Guerrero Negro - 85km - 5h20 - 440m+
Encore une journée avec peu de divertissement visuel, avec le vent de face en prime. Nous arrivons fatigués dans cette ville sans trop de charme. À la planta de agua purificada (ou nous remplissons nos bouteilles d’eau potable). Nous demandons, à tout hasard, s’ils connaissent un endroit accueillant les cyclistes gratuitement. Par chance, le patron est le frère du seul (ex-)Warmshower de la ville, n’apparaissant plus sur la page. Il accepte tout de même de nous laisser camper près de sa maison. Le lendemain, nous apprenons que nous n’aurons plus accès à internet durant les prochains 800km, car nous nous enfonçons dans une partie vraiment dépeuplée du désert.
Jour 5: Guerrero Negro à El Rosarito - 85 km - 5h20 - 440m+
Après avoir fait des stocks de nourriture, nous partons chargés comme des mules pour un long faux plat montant, passons dans l’état de Basse-Californie (nous gagnons une heure au passage), et arrivons au restaurant de Mauricio. Ce dernier accueille des cyclistes depuis 5 derrière son resto afin que les voyageurs fatigués retrouvent leur énergie! C’est une vraie place de jeux pour adultes : la balançoire géante nous fait voler à plusieurs mètre de hauteur, le bonheur total!
Jour 6: El Rosarito à Parador de Punta Prieta - 53km - 4h50 - 590m+
Nous continuons notre ascension dans de magnifiques paysages changeant après chaque virage. Nous terminons notre journée dans une démolition de voiture ou on nous offre un espace pour la tente ainsi que deux bananes et deux mandarines, un vrai trésor au milieu du désert.
Jour 7: Parador à Coco’s Corner - 73km - 7h23 - 689m+
Une journée variée nous amenant près d’une lagune séchée qui nous rappelle le Salar de Coipasa avant d’attaquer une piste. Nous quittons la route principale afin de profiter de plus de calme sur la côte Est de la péninsule. Cette piste nous amène dans la maisonnette de Coco, un homme sans jambes, très connu parmi les voyageurs de Basse-Californie. Il ne vend que trois choses: bière, soda et eau. Son plafond est tapissé de sous-vêtements et ses murs inondés de photos avec les nombreuses personnes le visitant chaque année. Un personnage.
Jour 8: Coco’s Corner à Alfonsina - 40km - 2h50 - 610m+
Malgré notre fatigue grandissante, nous avions prévu une longue journée de vélo. Mais lorsque la vue sur la baie d’Alfonsina est apparue, nous n’avons pas résisté à l’envie de nous y reposer une après-midi. Nous nous installons sur la plage et sommes rapidement surpris par une tempête de vent…et donc de sable! Nos habits déjà sales de 8 jours de vélo dans le désert semblent pomper la poussière! Un couple d’Américains nous invite dans leur camping-car et nous apprend tout au sujet de la Baja 1000. Un monde parallèle pour nous: le véhicule coûte entre 60’000 et 500’000 dollars, les pilotes se relayent et ne dorment pas pendant 72h, l’alcool coule quand même à flots, et tout cela pour l’honneur d’y participer, car le gagnant ne gagne quasiment rien. On se douche avec une bouteille d’eau avant de se coucher dans notre petite tente cosy. La vie simple, le bonheur simple, les joies simples, voilà ce qui nous plaît le plus.
Jour 9: Alfonsina à Puertecitos - 76km - 7h50 - 756m+
Toute la journée, le vent souffle de toutes ses forces dans notre figure, nous empêchant de pédaler comme nous le souhaiterions. Des souvenirs de Patagonie refont surface! Heureusement, les paysages sont absolument somptueux et compensent la souffrance de nos petites jambes fatiguées. Sans oublier la chance incroyable qui nous sourit en arrivant à destination. En effet, nous sympathisons (sans le savoir) avec la responsable des thermes de Puertecitos. Cette dernière, souhaitant nous aider, nous écrit un petit mot que nous sommes chargés de remettre à la portière des thermes afin de ne payer qu’un tiers du prix! Après avoir monté notre tente, nous plongeons nos corps fatigués dans des bassins naturellement creusés par la source chaude dans les roches volcaniques surplombant une mer sublime.
Jour 10: Puertecitos a San Felipe - 50km - 4h - 233m+
Partant au lever du soleil, nous sommes rapidement retardés par notre pneu avant. C’est son tour de faire des siennes en se déchirant ! Une réparation sommaire nous permet de parcourir encore 50km avant d’abdiquer au milieu de nulle part et de prendre un ride jusqu’à San Felipe (a 50km). Nous y retrouvons : un nouveau pneu, un supermarché offrant 30% de rabais sur les fruits et légumes et les bomberos nous accueillent bras ouverts. Que demander de plus ?
Jour 11 : San Felipe à La Ventana – 87km – 6h20 – 200m+
La journée s’annonce plate et ennuyeuse : sur les 200km qui nous séparent des USA il n’y a rien, pas de village, pas de maison à part un petit magasin niché entre un salar et des montagnes pleines de minerais. Notre fatigue est à son comble et lorsque le moral flanche, des belles rencontres avec d’autres cyclistes nous redonnent le sourire en quelques instants. L’état de notre vélo reflète le nôtre, chaque jour un nouvel incident technique se présente. Aujourd’hui, c’est le guidon qui fait de drôles de bruits…
Jour 12 : La Ventana a Mexicali – 0km
Au petit matin, notre guidon est complètement coincé ! Impossible de le tourner…le vélo semble encore plus fatigué que nous ! C’est en bus que nous sommes obligés de rejoindre la ville mexicaine, ou nous pouvons changer le roulement du guidon (les billes sont presque carrées) ! Fatigués, mais heureux d’avoir atteint la frontière, nous sommes chouchoutés par notre hôte Warmshowers Roberto.
Anecdotes
Dimanche matin, nous rejoignons Roberto pour prendre le petit-déjeuner. Il nous demande alors « Vous aimez le pain ? » Les yeux d’Alexi s’illuminent « Ah oui on adore ça ! » « Je vais vous amener dans une boulangerie vraiment chouette » 150km plus tard et nos beaux principes écolos ravalés, nous arrivons dans le village de Tecate. Il faut dire que la boulangerie est absolument fabuleuse, il y a tout ce qu’on peut souhaiter : cookies, muffin, petits pains en tous genre, viennoiseries, etc. Cela fait un mois que nous ne consommons pas de sucre, un petit défi qu’on avait envie de se lancer. On se sert sur un grand plateau et on oublie nos bons principes raisonnables !
En partant de Ciudad Constitucion, nous roulons dans un brouillard épais. Impossible de voir à plus de 5m. Les camions nous klaxonnent, pour nous indiquer que nous ne sommes pas visibles. Nous ne réalisons pas le danger jusqu’à ce qu’un gentil travailleur de la route s’arrête et nous explique que nous sommes invisibles ! Il finit par nous offrir un chasuble orange fluo tout neuf ! Ouf ! Gracias.
Lors de notre séjour chez les médecins, nous planifions d’organiser avec eux des cours de premiers secours pour les ambulanciers de la ville qui n’ont pas de formation actuellement (ça nous rappelle la Bolivie !). L’un des médecins, super motivé, commence l’organisation alors que nous sommes déjà partis en direction du Nord. Nous bloquons une date, confirmons notre participation et nous réjouissons de remettre le pied là dedans. Mais le destin en voudra autrement. Les élections régionales ont lieu prochainement ce qui a poussé des politiciens véreux à la recherche de voies à s’approprier du projet. Ils souhaitent que nous donnions le cours, mais notre ami leur devra une « faveur » en échange ! Notre ami annule tout, ne souhaitant pas entrer dans ce genre de pratiques !
Notre itinéraire
Photos
Pour encore plus de photos rendez-vous dans la galerie :)
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Benoit (mardi, 02 janvier 2018 18:06)
J'adore lire vos aventures!
Bonne continuation et bonne année!!
Bisous
blanc raymond (mercredi, 03 janvier 2018 22:17)
toujours agréable de vous lire toujours de belles images ,
nous vous présentons nos voeux pour 2018 bonne continuation
et a bientôt bizzz a vous deux.
Fabienne Cellérier Probst (mardi, 16 janvier 2018 18:05)
Merci de partager vos aventures. C'est plein de surprises, de belles rencontres, de fatigues, de répits et de confiance. A suivre en 2018, bisous à vous deux.
Mohamed Barry (lundi, 08 juin 2020 13:25)
Bonjour Anysia, je suis sur que vous ne vous en souvenez pas de moi, mais j'étais un de vos élèves en Suisse, à Peschier. Bonjour Alexi!
Mohamed Barry (lundi, 08 juin 2020 13:27)
Vous avez été ma maîtresse pendant 2 ans ( 2013-2015)